Histoire(s) & patrimoine de Charleroi |
Au début du XXième siècle, le petit patronat se sent menacé par les sociétés anonymes, soutenues par de puissants capitaux, ainsi que par les coopératives ouvrières qui ne cessent de se développer et de gagner en importance. Ces sociétés anonymes et ces coopératives sont relativement importantes et capables de produire en grande quantité, et donc de proposer des produits à bon marché et des ristournes avantageuses aux clients. A l’inverse, les petits commerçants sont isolés, disposant d’outils manuels ou mécaniques souvent rudimentaires, et n’emploient que quelques salariés au maximum.
Maison des Corporations - Entrée. Carte postale ancienne, Edition Belge |
Afin de résister, des commerçants décident de mettre en commun leurs connaissances, leurs initiatives et leurs ressources afin de créer des Unions professionnelles qui leur procurent les avantages des grandes associations de capitaux, tout en leur laissant leur indépendance.
En 1903 est ouverte à Charleroi une Ecole industrielle supérieure, à laquelle un Musée provincial de l'enseignement industriel et professionnel du Hainaut est joint en 1904, conçu comme un instrument d'instruction technique et d'éducation économique et sociale. Ces structures seront quelques années plus tard à la base de la fondation de l’Université du Travail.
Le Musée provincial s’applique à la fondation d'écoles professionnelles, à l'achat en commun d'outillage et de matières premières,... et soutient également la création d’unions professionnelles. Plusieurs « corporations » existent déjà alors à Charleroi (imprimeurs, patrons-menuisiers, serruriers-ferronniers,...) et ont leur siège au Musée, où elles se réunissent. Le but de ces corporations est « d'atténuer, par l'association et l'instruction professionnelle, la crise dont souffre la petite bourgeoisie et les dangers de décadence qui la menacent ». (Gazette De Charleroi 31-10-1904). Plus concrètement, ces corporations tentent d’améliorer le matériel de fabrication des petits producteurs, leur permettant de diminuer leur prix de revient, organisent de l’escompte et du crédit facile et à bon marché, et veillent à l’organisation et à la surveillance de l’enseignement professionnel afin de disposer d’une main d’œuvre de qualité. La première école de boulangerie de Belgique, voit ainsi par exemple le jour à Charleroi en 1904.
Ce n’est qu’après la Première guerre mondiale que la nécessité de disposer de locaux propres aux corporations se fait sentir, ces dernières ayant connus un important essor.
Maison des Corporations - Début de la guerre, octobre 1940 |
L’architecte Joseph André érige place Verte un immeuble élancé, s’étendant de la place à la rue du Comptoir, à l’emplacement de l’ancienne maison de commerce Lebailly-Franquet. Joseph André s’inspire pour la façade des bâtiments des corporations de la Grand-Place de Bruxelles et coiffe l’immeuble d’un belvédère ; le nouvel immeuble domine largement les bâtiments voisins. La façade est ornée de plusieurs statues et bas-reliefs rappelant la fonction du bâtiment ; une frise à mi-hauteur renseigne "1904 Maison des Corporations 1924".
La « Maison des Corporations » est inaugurée le 13 septembre 1925. Elle comprend des bureaux pour les associations professionnelles souhaitant y établir leur siège social, des salles d'archives et de documentation ainsi que plusieurs salles de réunion permettant la tenue de grandes assemblées, ou de réunions plus restreintes ; une salle de spectacle « La Bonbonnière » permet la tenue de festivités.
Le rez-de-chaussée accueille un café, un restaurant et une salle de billard, lieu de rencontre des membres des corporations et des agents industriels ainsi que des hommes d’affaires qui fréquentent la bourse du lundi, au Passage de la Bourse. A 300 mètres de là est inauguré la même année le « Palais du Peuple », bâtiment imposant abritant cette fois des magasins et des bureaux de fédérations ouvrières.
La Maison des Corporations devient un lieu animé et est fort fréquenté. En 1936, selon un guide touristique régional(*), elle abritait les corporations des :
Maison des Corporations - Quelques années avant la démolition du bâtiment. En bas à gauche, l'entrée du cinéma Le Bled. Image extraite du livre Manifestation d'hommage à Joseph André (1958) |
Un secrétariat permanent d’entre-aide, de documentation et de consultations était également présent, ainsi qu’un crédit à l’outillage artisanal et un bureau d’assurances. Environ 75 associations y tiennent à l’époque leurs séances.
La crise économique des années 30 suivie par les années de guerre vont faire perdre à la Maison des Corporations son attractivité. A la Libération, elle devient le lieux de rendez-vous des GI’s et des aviateurs de l’US Air Force. Le bâtiment devient un immeuble de commerce : les « Galeries Kakone », exploitées par Adolphe Kakone, vendent des tissus au mètre, des tapis et de la confection à bon marché. La salle « Le Bonbonnière » est transformée en cinéma : « Le Bled » (l’enseigne Kakone semble déjà être présente sur le bâtiment au début de la guerre, selon un cliché photographie de l’époque).
Devenue socialement obsolète et financièrement ingérable, la Maison des Corporations est démolie vers 1960, 35 années seulement après sa construction, ainsi que plusieurs bâtiments voisins. L’entrepreneur Jean Baudoux érige sur les terrains récupérés une tour de 82 mètres de haut : le « Centre Albert », symbole d’un Charleroi moderne tourné vers le futur.
(*) Charleroi : le grand centre industriel belge, 1936, p .13
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