Histoire(s) & patrimoine de Charleroi |
Le bourg de Marchienne, par Remacle Le Loup |
La « vieille église » de Marchienne se situait sur l’actuelle place du Perron et remontait au XVIième siècle. Victime de la modernité, jugée comme ne répondant plus aux besoins du culte, elle est vendue pour démolition en 1905, et remplacée par un nouveau lieu de culte en 1904. Bénie en 15791, après plusieurs dizaines d'années de travaux, cette vieille église n’était cependant pas la première de la commune, car, en 1398, il était déjà question de réparer la tour du lieu de culte d'alors2. Située en plein cœur du bourg, sa tour servait au guet3. Une demeure seigneuriale se situait à proximité immédiate, remplacée au début du XVIIième par le château Bilquin de Cartier. L’église était entourée d’un cimetière, qui ne sera désaffecté qu’en 1861 et ne disparut définitivement qu’en 18794.
L’église de Marchienne fut plusieurs fois endommagée et nécessita divers travaux de restauration. Dès 1579, alors qu’elle venait d’être terminée, elle subit l’assaut des Gueux, venant du nord des Pays-Bas et emportant les cloches5 ; elles sont remplacées en 15876. Quelques dizaines d’années plus tard, l'église est déjà en piètre état et nécessite diverses réparations7.
Le 11 août 1674 à Seneffe, le roi de France subit des pertes extraordinaires anéantissant nombre de compagnies et d'escadrons. De nombreux blessés sont dirigés vers Marchienne pour y être soignés. Plusieurs y moururent, et certains furent enterrés dans l’église : M. de la Pétiniere fut enterré dans la nef de l’église, tout comme Jacques Saboureux, seigneur de la Bonnetière, M. Stockem, capitaine d'infanterie, N. Beauvais, ou François de l'Ourme, enterré sous le chœur8. L’église renferme également les pierres tombales de plusieurs notables, notamment celle de Jean de Hamal, seigneur de Monceau. Veuf, ayant repris femme, il y est représenté avec ses deux épouses, Hélène Hinckart et Jacqueline de Hennin. La pierre tombale de l’écuyer Jehan de la Bricque, greffier de la cour de justice de Marchienne de 1540 à 15449, le représente également avec ses deux épouses, Françoise de Farcy et Isabeau de Dasve. S’y trouve également la pierre de Marie-Agnès de Baillencourt, épouse de Guillaume Bilquin, Seigneur de Bioul, Marchienne-au-Pont et Mont-sur-Marchienne, décédée en 172510.
La vieille église de Marchienne, vers 1900 |
De nouvelles réparations sont effectuées à la tour entre 1715 et 171811.
Dès leur arrivée en 1794, les Républicains suspendent l’exercice du culte à Marchienne et transforment l’église en prison militaire. Jourdan y enferme les suspects, déserteurs et prisonniers de guerre. L’édifice étant pourtant peu spacieux, ils seront près de 600 à y être enfermés simultanément, entraînant de nombreuses dégradations et nécessitant après les troubles de nouvelles réparations12.
Lors d’une confrontation entre français et prussiens en 1815, un boulet de canon frappe la tour de l’église13. Après Waterloo, les français en déroute repassent la Sambre à Marchienne et Charleroi. Transformée en hôpital militaire, l'église de Marchienne accueille les blessés amenés sur des chariots14.
Dès 1856, l'église de Marchienne est jugée comme devenue trop exiguë et ne suffit plus aux besoins du culte15, la population de la commune étant en pleine expansion. Si une nouvelle église est bâtie à la Docherie en 186816, le manque de place dans l’église du centre continue de se faire sentir. L'ancienne église nécessite à nouveau des réparations, notamment à sa tour17, et, en 1857 une horloge avec cadran y est placée18.
La disparition de l’ancien cimetière en 1879 permet l’agrandissement de la place autour de la vieille église, et l’agrandissement du marché19.
La vieille église de Marchienne, vers 1900 |
En 1893, la population s’étant fortement accrue au cours des dernières décennies, les autorités communales de Marchienne souhaitent doter la commune d'un nouvel hôtel de ville capable de remplir correctement sa fonction, d'un parc, ainsi que d'une belle et vaste place20. L’hôtel de ville est alors hébergé dans l’ancienne maison de Joachim Bastin, située face au numéro 23 de la place du Perron. Une propriété de la famille de Cartier, le « Château Blanc », est acquise pour être transformée en hôtel de ville, ainsi que son parc de 3,20 hectares. Les travaux de transformation, confiés à l’architecte Alexandre Simon, débutent en janvier 1900, et l’inauguration officielle a lieu le 18 août 190121.
La vieille église est considérée comme trop petite, vétuste et sans caractère esthétique, et est, pour les autorités, un obstacle à la création d’une vaste place et d’un marché important au cœur de la commune22. A la conservation et restauration de l'ancienne église et à la création d'une nouvelle à Marchienne-Saint-Martin, quartier dépourvu d'église, les autorités privilégient l'édification d'un nouveau et vaste lieu de culte, en remplacement de l'ancien temple23. La commission royale des monuments, après une visite des lieux, ne s’oppose nullement à la démolition25.
Le 24 décembre 1897 après-midi, une épaisse fumée noire s'échappe par les issues de l'église. Le Saint-Sacrément, divers ornements, et la statue de Notre-Dame de la Miséricorde, déjà sauvée en 1794 d'un autre incendie, arrivent à être placés en lieu sûr. La chute d’un cierge provoqua l'incendie. L'édifice peut être sauvé grâce au fontainier qui brisa les fenêtres pour y faire passer les conduites d'eau ; l'autel de la Vierge et sa statue sont cependant réduits en cendre25. Cet incendie « aura pour effet, nous assure-t-on, de faire activer la question de la construction de la nouvelle église qui s'élèvera à l'emplacement de l'antique maison au pignon à gradins, sise en face de la rue Neuve. L'autel de la Vierge ne sera pas reconstruit tel qu'il était avant l'incendie ; le style de la nouvelle église sera adopté » 26.
La nouvelle église de Marchienne, vers 1910 |
L'administration communale approuve définitivement les plans de la nouvelle église paroissiale de Marchienne Centre en 189927. La vieille église est destinée à disparaître, et son emplacement à être incorporé à la place communale : « Aussitôt que la nouvelle église sera livrée au culte, on mettra la main à l'œuvre pour démolir le temple actuel. La disparition de cet édifice ne laissera guère de regrets, n'ayant aucun caractère spécial » 28. Le Courrier de l’Escaut du 16 mai 1899 décrit le futur édifice, en forme de croix latine : « Le nouveau temple, conçu en renaissance flamande, sera construit en retrait à 20 mètres environs de la voie publique. Il sera précédé de deux parvis ; quatre marches donneront accès à chacun d'eux. A front de rue, il y aura une grille artistique d'une largeur de 22 mètres environ. La façade de l'église produite un meilleur effet. Il y aura un grand portail et deux portes latérales. Au-dessus du portail, il y aura une grande verrière ogivale, surmontée d'une horloge. La tour aura 70 mètres d’élévation, dont 30 mètres pour la flèche. Le temple aura une longueur de 60 mètres sur 20 mètres de largeur. Le transept aura 26 mètres. Il y aura une grande nef et deux basses nefs. La hauteur de l'église, du sol à la couronne du toit, sera de 24 mètres. La façade et la tour seront entièrement en pierre bleue et moellons, comme l'administration communale l'avait demandé. La tour sera placée dans l'axe de la rue Neuve » 29. Le « Vingtième siècle » du 16 août 1901 en donne des mesures quelques peu différentes : « La nouvelle église sera bâtie dans l'axe de la rue Neuve ; elle aura un parvis de 25 mètres sur 20 et une grille monumentale. L'édifice aura une profondeur de 58 mètres. Les nefs mesureront 18 mètres de largeur et le transept, 25 mètres. Elle sera de style gothique, toute en moellons, avec voûtes en briques et nervures en pierres » 30.
Le 19 novembre 1899, Léopold II donne l’autorisation d’ériger une nouvelle église31. Le lieu choisi se situe dans l’axe de la rue des Bateliers (ancienne rue Neuve), nécessitant l’acquisition et démolition d’anciennes demeures. Cette artère est la conséquence d’un nouveau pont jeté sur la Sambre en 1842, à l’arrière de l’ancienne église32.
L'église Notre-Dame de la Miséricorde |
La nouvelle église, inspirée de l'église abbatiale d’Aulne33, est l’œuvre des architectes Constant Sonneville, de Tournai, et Alexandre Simon, de Trazegnies34. Sonneville est déjà l’auteur de plusieurs églises récemment érigées (Sacré Cœur d'Ecaussines (1892), Saint-Antoine de Padoue à La Louvière (1896)), et s'était vu confier la restauration de la cathédrale de Tournai (1894). Simon est également l’architecte de plusieurs édifices religieux, et participe à la rénovation de nombreuses églises/35.
Le jeudi 15 août 1901, fête de l’Assomption, l'abbé Carbonnelle, doyen de Fontaine-l'Evêque, procède à la bénédiction et à la pose de la première pierre de la nouvelle église, en présence des architectes de l'édifice et de Arnold de Cartier36. Sous la pierre a été placé un tube en métal contenant des manuscrits sur parchemin, une pièce d'argent à l'effigie de Léopold II, une médaille de la Sainte Vierge, de Saint Joseph, de Saint Benoît, de Saint Antoine de Padoue, et une pièce à l'effigie du pape Léon XIII37.
Moins de trois ans plus tard, le dimanche 13 mars 1904, a lieu la consécration de la nouvelle église Notre-Dame de la Miséricorde, par Mgr Walravens, Evêque de Tournai. La cérémonie, commencée à 7 heures du matin, ne prend fin qu'à 11 heures38.
L’une des plus vastes du bassin de Charleroi, l’église de Marchienne « […], comme aspect monumental, est la plus belle de la province. Nous parlons, évidemment, des constructions modernes et nous faisons exception pour nos vieilles cathédrales historiques de Notre-Dame à Tournai, de Ste-Waudru, à Mons et autres monuments similaires »39. Plusieurs pierres tombales remarquables provenant de la vieille église et initialement destinées à être conservées au Musée des Beaux-Arts sont replacées dans le porche du nouveau lieu de culte.
Les heures de la vieille église de Marchienne-au-Pont sont comptées. Les deux lieux de culte co-existent quelques mois seulement. Le 3 août 1905 paraît dans le Journal de Charleroi l’annonce de la vente, à charge de démolition, de la vieille église41. La place communale englobe bientôt désormais son emplacement.
Le chemin de croix de la nouvelle église fut peint en 1932-1933 par l’artiste Gérard Jacobs, de Leernes. Il présente notamment la particularité de représenter discrètement la femme de Pilate dans la première station ; tout le long du parcours, de nombreux enfants entourent le Christ, donc certains sont auréolés ; enfin, le Christ est bordé sur un brancard, et non dans un linceul, à la quatorzième station42.
L'église Notre-Dame de la Miséricorde |
Il faut attendre les années 1930 pour que les premiers vitraux ne soient placés ; les autres vitraux sont placés après la restauration de l’église, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le dernier vitrail fut placé en 1958. Différents types de vitraux dès lors se côtoient, les premiers étant d’inspiration ancienne, voire médiévale, les autres de conception plus moderne43.
Le cas de démolition de la vieille église de Marchienne, plusieurs fois centenaire, n’est pas unique dans la région. Au même moment, à Dampremy, l’ancienne église, bâtie vers 1600, est en attente de subir le même sort. Une nouvelle église a déjà été édifiée à proximité immédiate et ouverte au culte en 1873, mais des mouvements miniers ruinent rapidement l’édifice, entraînant la survie de l’ancienne église pour quelques dizaines d’années. En 1915 débutent finalement les travaux de démolition, pour ne conserver que le chœur, transformé en chapelle Saint-Ghislain.
Autre ancienne église, Saint-Martin, à Marcinelle, est également menacée de démolition. Si l’église date du XVième siècle, sa tour fut construite entre le XIième et le XIIIième siècle. En 1910, le Conseil de Fabrique décide également la construction d’une nouvelle église. L’empiétement futur du bâtiment sur l’ancien cimetière ralenti cependant le projet. En juillet 1913, Jules Destrée, marcinellois et marqué par la possible disparition de Saint-Martin, adresse au français Maurice Barrès sa « Prière pour une petite église wallonne ». De 1910 à 1914, l'écrivain Barrès mène campagne pour la défense des églises de France menacées de ruine. Celle de Marcinelle est alors dans un état lamentable : le clocher menace de s'écrouler, les toits sont percés, le pavement se soulève et se fend44. La prière de Destrée sera exaucée, après-guerre. Au début de 1923, l'abbé Albert Harmignie, curé à Marcinelle et conscient de l'intérêt historique de l'édifice, organise une commission chargée de récolter les fonds pour rénover l'église. Le 20 juin 1923, la Commission Royale des Monuments fait savoir qu'elle reconnaît un intérêt artistique, archéologique et historique à l'église marcinelloise. Saint-Martin, dont la restauration dirigée par l'architecte tournaisien Alphonse Dufour débute, n'est désormais plus menacée de disparition.
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