Histoire(s) & patrimoine de Charleroi |
Au cœur de Mont-sur-Marchienne, à proximité de l’église, se trouvait jusque dans les années 1940 un château-ferme ; il n’en reste aujourd’hui plus que deux tours…
Château de la Torre. Détail carte postale ancienne, Edition E. Leloup-Leclercq |
A la fin du XVIième siècle, le château est la propriété de Jean Jacques. Dans son ouvrage Mont-sur-Marchienne : Son histoire, sa paroisse, son château et son aspect d’antan, Guy Weyn fait remonter les origines du château à Jean Jacques, bailli de Marchienne-au-Pont ; c’est sans doute lui qui entreprit la construction d’un château-ferme, capable de servir de refuge lors du passage de troupes armées dans la région. Le château se situait à proximité du centre de Mont-sur-Marchienne, dominant les vallées de la Sambre et de l’Eau d’Heure, ainsi que le village de Marchienne-au-Pont.
Le domaine va passer dans les mains des de Billehé, et est ensuite hérité en 1646 par Juan Gomez de la Torre y Butron-Muxica, issu d’une noble et importante famille espagnole et notamment installée dans les Pays-Bas espagnols.
Juan de la Torre (capitaine d’infanterie, lieutenant-colonel, maître de camp de cavalerie au service du Roi d’Espagne, gouverneur de Diest) et son épouse Barbe-Thérèse de Haynin s’installent au château. La famille de la Torre va rester propriétaire du domaine pendant près de trois siècles, et lui apporter diverses modifications, notamment aux XVIIième et XVIIIième siècle. L’accès au château était initialement protégé par un pont-levis, et un fossé bordait l’enceinte. Le pont-levis fut supprimé à la fin de l’Ancien Régime.
Château de la Torre. Détail carte postale ancienne, Edition E. Leloup-Bonnet |
Les bâtiments étaient en pierres grises, avec des toits en ardoises. Le château avait la forme d’un quadrilatère, vaste cour fermée d’un côté par un important quartier-maître (aile est), et fermée sur les autres côtés par des dépendances à finalité agricole (étables, écuries, granges). Il était flanqué de quatre tours présentant des créneaux défensifs, qui furent par la suite en partie bouchés.
En 1924, Emmeline de Butron de la Torre décide avec ses deux fils de se séparer du château et de ses terres. Le bien n’est plus occupé par la famille de la Torre, mais est loué à des agriculteurs ; différentes familles s’y sont succédées pour exploiter le domaine : les Thomas, Jaumaux, Hamaide, Lefranc, et Cools. A cette époque, c’est René Cools qui exploite les terres depuis 1920 ; il continuera à exploiter la ferme jusqu’en 1926.
Mis en vente, le domaine devient à l’initiative de Joseph Allard la propriété des « Usines et Aciéries Allard » en 1924, pour la somme de 350.000 francs. Le domaine comprenait alors un peu moins de dix hectares de terres.
Joseph Allard, était ingénieur à Mont-sur-Marchienne. Il y installa son aciérie (« Usines et Aciéries Allard »), à proximité de l’Eau d’Heure, en 1905. Les usines Allard gagnant en importance, elles vont rapidement s’agrandir à plusieurs reprises. Au début de la première guerre mondiale, les usines couvrent plus de 42 hectares. Pillées, démantelées par les allemands en 14-18, les usines sont rééquipées et reprennent vie au lendemain de la guerre.
La tour de la rue de l'Industrie |
Dès 1925, la possibilité de classer le château est envisagée. Le bien a un intérêt certain mais est en mauvais état ; la rénovation prochaine envisagée par Joseph Allard va permettre de le préserver. La procédure de classement comme monument historique n’aboutira, malheureusement, jamais…
En 1926, Joseph Allard demande à l’architecte Henri Lanternier de restaurer le château. Le corps de logis est restauré et légèrement modifié. La cour est pavée, et la porcherie et le poulailler sont abattus pour faire place à une pelouse fleurie. Désaffectés, les bâtiments agricoles sont reconvertis et deviennent des salles pour la tenue d’expositions.
En 1929, un Monument aux Morts est adossé contre la façade extérieure sud, renseignant les noms des déportés et des morts belges et français durant la première guerre mondiale.
Les travaux se terminent en 1930, par l’ajout d’un théâtre de plein air, enclavé dans le mur ouest de la cour.
Les abords du château sont également aménagés : l’étang qui bordait la façade nord fut comblé afin de faire place à une vaste pelouse. Des promenades sont tracées, des jeux d’enfants sont installés dans les jardins ; un court de tennis est aménagé, avec la possibilité de se rafraichir et de se restaurer.
Les parties démolies sont en renseignées en rouge ; les vestiges, en vert (basé sur une illustration de Carlo Adam) |
Joseph Allard organise une véritable vie culturelle sur le site ; il y organise plusieurs expositions. Au « Vieux château », la Société Allard crée une école d’apprentissage, des cours de sport, et plusieurs œuvres sociales.
En 1935, les Usines et Aciéries Allard revendent le domaine à la société « Immobilière J.A.C », dont Joseph Allard est administrateur.
Joseph Allard décède en 1936.
En 1941, les administrateurs de l’ « Immobilière J.A.C. » revendent le bien à un promoteur immobilier bruxellois, Gaston Coene. Ce dernier est conscient que le bâtiment revêt un intérêt historique, et qu’un classement pourrait intervenir. Ses ambitions sont cependant autres : l’objectif du promoteur est de démolir la propriété afin de créer un nouveau quartier dans le centre de Mont-sur-Marchienne.
La tour de la rue du Château |
Fin 1941, début 1942, une nouvelle rue est tracée à travers la cour intérieur : la rue Cardinal Mercier. Le Monument aux Morts est déplacé, et reconstruit devant le Carmel de Mont-sur-Marchienne (il sera à nouveau déplacé par la suite près de l’église). Les granges et étables sont démolies. En 1947, le corps de logis est également abattu. L’ancien château fait place dans les années 50 à un nouveau quartier.
De l’ancien château-ferme, seules les tours sud-ouest et sud-est ont été préservées de la démolition. Il faudra attendre jusqu’en 1989 pour que ces deux reliques soient classées…
Des photos prises dans les années 40 sont disponibles sur le site de l'IRPA.
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