Très redoutés par les mineurs, les coups de grisou ont causé de nombreuses victimes dans les mines du monde entier. 

Charleroi, un charbonnage (Le Grisou, 1892 : [carte postale] / Cécile Douard)

Au XVIIIième et au début du XIXième siècle, le pénitent des mines avait pour mission de descendre dans les galeries avant la descente des autres mineurs. Couvert de vêtements en cuir mouillé, le visage protégé par un masque, il s'avançait en rampant dans les galeries infestées de grisou, se faisant précéder d'une longue perche au bout de laquelle était fixée une torche enflammée. Son rôle était d'aller enflammer les petites poches de grisou avant la descente des autres mineurs.

Ce gaz meurtrier, redouté de tous, fut personnifié par les anciens mineurs par le personnage de Crônin, que l'on retrouve en Wallonie et dans le Nord de la France.

Barbe était une jeune fille occupée au fond de la mine. Un jour, dans une galerie, elle vit surgir devant elle un homme entièrement vêtu de noir qui lui était inconnu. L'observant, elle se rendit compte que son visage ressemblait celui d'un porc. Elle fut terrifiée lorsque les yeux flamboyant de l'homme se posèrent sur elle. Elle tenta de fuir, mais finit par s'évanouir. Quand elle revint à elle, l'homme était penché sur elle, lui murmurant de belles paroles. Il lui dit de manière douce qu'il s'appelait Crônin, et qu'il était l'esprit du Grisou ; il ne voulait plus semer la peur et avait l'intention de devenir bon, si bon qu'il en serait beau. Il dit à Barbe qu'il souhaitait passer sa vie à ses côtés, et s'engageait, si elle acceptait sa proposition, à ne plus jamais répandre la souffrance et la mort dans les mines. Plus jamais il n'explosera au travers des veines, et ne brûlera plus personne. Barbe à ses côtés serait considérée comme une protectrice des mineurs, étant arrivée à apaiser le Grisou.

Après s'être remise de ses émotions, Barbe reprit son travail, et, de retour à la surface à la fin de sa journée, songea longtemps à la proposition de Crônin. Elle finit après quelques jours, et mûre réflexion, par accepter la demande de Crônin et commença à le voir en surface, à l'écart des habitations. Crônin prit l'apparence d'un beau jeune homme et ne sema plus jamais le malheur. Dans la mine, les mineurs se rendirent compte de l'absence du grisou, et ils gagnaient désormais les galeries avec moins d'appréhension.

Mais, au fond de la mine, Doris, l'esprit de l'eau, était devenue folle de jalousie. Elle prit à son tour une forme humaine, et tenta de dissuader Crônin de devenir bon, et de demeurer un meurtrier. Mais le Grisou refusa ; pour lui, il était impossible que le feu et que l'eau puissent un jour vivrent en harmonie, ils ne parviendraient jamais à s'entendre.

Furieuse, Doris expliquait à qui voulait l'entendre que l'histoire entre Barbe et Crônin était une pure invention. Si le grisou n'avait plus tué depuis quelques temps, ce n'était qu'une coïncidence, et non le fruit de la liaison entre Barbe et Crônin. Barbe n'était pas l'ange gardien que certains voyaient en elle, mais une simple et pauvre fille qui faisait commerce avec les mauvais esprits.

Les propos de Doris trouvèrent un écho. De nombreuses personnes se rassemblèrent et se mirent à la recherche de Barbe. Lorsqu'ils la trouvèrent, ils la lynchèrent, sans autre forme de procès. Crônin essaya en vain de la défendre, tentant de l'éloigner de jets de pierres, mais Barbe rendit son dernier soupir dans ses bras.

De rage, Crônin gagna la mine et sauta dans la fosse. Une flamme gigantesque en jaillit presque immédiatement, et détruisit tout ce qui se trouvait à proximité. Tous étaient effrayés par ce spectacle d'apocalypse. Quand à Doris, elle disparut à jamais. Mais rapidement, des longues et importantes averses de pluie s'abattirent sur la région...

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