Histoire(s) & patrimoine de Charleroi |
Le sgraffite côté Defontaine : les lettres C et O des mots grecs « chrysous oïkos » donneraient son nom au bâtiment : la « Maison Dorée » |
A la fin du XIXième siècle, Charleroi se transforme en ville bourgeoise. Les larges boulevards tracés sur les anciennes fortifications se bordent de belles maisons de maître. Dès 1880, le boulevard de l’Est (actuel boulevard Defontaine) commence à se bâtir : sa proximité immédiate avec le nouveau parc communal en fait une artère recherchée. Les nouvelles demeures s’inscrivent dans les styles néo-classique et éclectique. A la toute fin du XIXième, Charleroi ne compte encore aucune habitation de style Art Nouveau, alors que ce style architectural en rupture avec le passé s’épanouit déjà ailleurs. En 1899, l’architecte carolorégien Alfred Frère introduit l’Art Nouveau à Charleroi en y construisant le premier bâtiment de ce style : la « Maison Dorée ».
Alfred Frère est né à Gilly en 1851. Géomètre et architecte, il s’installe dans un premier temps rue de la Cayauderie avec son épouse, à Charleroi-Nord. Le bon fonctionnement de son étude lui permet d’acquérir par la suite une parcelle au coin des actuels boulevard Defontaine et rue Tumelaire. S’inspirant fortement de l’hôtel Ciamberlani réalisé par Paul Hankar à Ixelles deux ans plus tôt, Alfred Frère dessine les plans d’un bâtiment qu’il érige à Charleroi en 1899. Moins vaste et plus discret que celui d’Ixelles, l’immeuble « frère » de Charleroi n’en reste pas moins remarquable.
A gauche, l'Hôtel Ciamberlani à Ixelles (1897) de l'architecte Paul Hankar ; à droite, la Maison Dorée à Charleroi (1899) de l'architecte Alfred Frère |
Les immeubles de Hankar et de Frère respectent une disposition et un style identiques. Réalisés en briques colorées (l’un en briques blanches, l’autre en briques rouges) , ils comportent trois niveaux sur caves hautes. Au premier étage, un sgraffite de taille imposante prend place entre deux baies vitrées, reliées par un balcon. Le dernier étage consiste en une succession de fenêtres rectangulaires en bandeau, au-dessus desquelles se déploie une frise décorée d'un sgraffite.
Alfred Frère fait appel au décorateur bruxellois Gabriel Van Dievoet pour la réalisation des sgraffites. Van Dievoet réalise au centre de la façade côté Defontaine un sgraffite monumental représentant un triangle rayonnant entouré de courbes végétales. Au centre de ce triangle, les lettres C et O des mots grecs « chrysous oïkos » s’entrecroisent et donneraient son nom au bâtiment : la « Maison Dorée ». La façade côté Defontaine est à la fois la plus petite et la plus décorée. La façade de la rue Tumelaire, accueillant l’entrée de la maison, est plus grande et dévoile les différents volumes de l’habitation. Plus sobre, elle est décorée de petits panneaux de sgraffites. L’intérieur mélange des éléments inspirés des styles Néo-Renaissance et Art Nouveau.
La verrière de la salle à manger |
La Maison Dorée est destinée à accueillir à la fois l’habitation familiale et le cabinet d’architecte d’Alfred Frère à l’entresol. Mais la famille Frère n’occupera la maison que quelques années. En 1906, Alfred Frère quitte Charleroi pour s’installer à Saint-Gilles afin d’y poursuivre sa carrière professionnelle. La Maison Dorée, la seule Art Nouveau qu’il réalise dans la région de Charleroi, est mise en vente, et devient la propriété de la famille Chausteur, industriels verriers à Gilly (Verreries du Long Bois).
Célibataire, Franz Chausteur s’y installe avec ses sœurs Hortense, Philomène et Alix. Malgré la fin des activités de l’entreprise familiale en 1928, les Chausteur occupent la maison jusqu’en 1952, année de décès de Alix, dernière survivante des quatre occupants.
En 1952, la Maison Dorée devient la propriété du couple de médecins Léon Lempereur et Suzanne Cowez. La demeure est menacée d’expropriation en 1973 par la Régie des Téléphones et Télégraphes qui souhaite ériger un nouvel immeuble pour ses services. La Maison Dorée se trouvant dans un état toujours proche de celui d’origine, les premières démarches de classement du bâtiment débutent à cette époque. Le projet de la RTT abandonné, aucune décision de classement n’est alors prise.
La salle de séjour |
En 1993, quelques années après le décès de Léon Lempereur et de Suzanne Cowez, la Maison Dorée est mise en vente et reçoit une nouvelle affectation. Un restaurant y est aménagé, mais le succès escompté n’est pas rencontré. Il ferme ses portes quelques années plus tard.
Entre-temps, un Arrêté du 11 octobre 1993 reconnaît le caractère exceptionnel du bâtiment et classe ses façades et toitures, la salle à manger (y compris les vitraux et la verrière), le hall d'entrée et la salle de séjour.
En 1999, la Ville de Charleroi en devient propriétaire. Elle y installe la Maison de la Presse, lieu de rencontres, de débats et de réflexions autour de la communication et de la culture. Cette asbl œuvre à favoriser la communication et la découverte du monde de la presse et des médias. La Maison de la Presse accueille au sein de la Maison Dorée de nombreuses manifestations, permettant à chacun de découvrir l’intérieur de ce bâtiment.
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