Histoire(s) & patrimoine de Charleroi |
Région industrielle, Charleroi détient dans le premier tiers du XXième siècle un sinistre record, à savoir celui du taux de mortalité infantile le plus élevé de Belgique : près d'un enfant sur 10 y meurt. A la mortalité juvénile importante, il faut ajouter les nombreux accidents de travail qui se produisent dans l’industrie lourde, rendant orphelins de nombreux enfants.
Entrée de la Cité de l'Enfance, détail carte ancienne, édition Hanquinet |
Dès 1935, l'idée de création d’une intercommunale qui mettrait en commun des ressources afin de créer et exploiter différents établissements à caractère social fait son chemin. Le 31 juillet 1937, l'Intercommunale des Œuvres Sociales pour la région de Charleroi (IOS) est créée par 33 communes de la région. Le but de cette structure était la création et l'exploitation d'œuvres sociales dans le bassin de Charleroi. La première réalisation de l’IOS sera la construction de la Maternité Reine Astrid, inaugurée en 1937, et rapidement considérée comme l’un des établissements hospitaliers les plus performants de l’époque.
La seconde réalisation de l’IOS sera la création d’une Cité de l’Enfance afin de venir en aide aux orphelins. Les placements d’enfants résultaient alors principalement de circonstances socio-économiques.
La simple dénomination de Cité de l'Enfance traduit le souhait des concepteurs : rompre avec l' « orphelinat-caserne » d'autrefois. Les orphelinats sont jusqu'alors hébergés dans des bâtiments austères, qui prennent souvent les allures de bâtiments militaires. En Belgique, à part une ou deux exceptions à l’époque, les orphelinats concentrent en un même bâtiment les enfants, et les services administratifs, éducatifs et hospitaliers. Pourtant, existe déjà en Angleterre une autre forme d’orphelinat tentant de recréer autour des enfants une atmosphère familiale. C'est sur ce modèle que va se développer la Cité de l'Enfance, véritable « cité jardin » destinée dans un premier temps à l’accueil de 176 pensionnaires, en rapprochant les enfants de la société en recréant des cellules familiales.
Le projet nécessitait de trouver un espace assez vaste. Le site finalement sélectionné consiste en un terrain de cinq hectares, situé sur les hauteurs de Marcinelle, le long de la route de Beaumont, dans une zone des plus salubres de la région, à la limite avec les campagnes. Bien que largement préservée des industries, le Charbonnage du Cerisier se situe toutefois à proximité immédiate.
La Cité de l'Enfance. Illustration issue de l'ouvrage : La Cité de l'Enfance à Marcinelle / VOLKOV, Peggy. [s.l.] : Fédération Internationale des Communautés d'Enfants, 1954, 114 p. |
Ce sont les architectes Marcel Leborgne, aujourd’hui reconnu comme architecte majeur du mouvement moderniste, et Raymond Van Hove qui sont chargés du projet. Les jardins furent étudiés par un architecte-paysagiste de Dampremy, Joseph Lermigneau. La pose de la première pierre a lieu le 19 novembre 1938. La Cité de l'Enfance est officiellement créée en 1939, et les travaux se terminent début 1940.
Le but recherché était de recréer des cellules familiales où les enfants pourraient s’épanouir. L’orphelinat était de type pavillonnaire, chacun des pavillons étant destiné à héberger seize enfants. Leur surveillance et la tenue de la maison était confiée à une marraine, ou « mère ». L'éducation commune des enfants se poursuivait à l'origine jusqu'à l'âge d'environ 10 ans, les enfants rejoignant ensuite des pavillons réservés aux filles ou aux garçons. Une école d'assistances sociales se situait également sur le site, au cœur du parc. Le bâtiment de cette école comportait également des locaux destinés aux enfants nécessitant une surveillance médicale particulière ; tous les enfants arrivant à la Cité passaient par ce service lors de leur arrivée.
Un bâtiment accueillait les services généraux et les appartements de la directrice. On y retrouvait les bureaux administratifs, un économat, une bibliothèque, les locaux de buanderie, de repassage, le garage,... Un autre pavillon comportait une salle de gymnastique, également utilisable comme salle de fête.
La Cité de l'Enfance. Illustration issue de l'ouvrage : La Cité de l'Enfance à Marcinelle / VOLKOV, Peggy. [s.l.] : Fédération Internationale des Communautés d'Enfants, 1954, 114 p. |
Les différents pavillons étaient dispersés dans parc largement arboré, orné de larges pelouses coupées d'allées. L’extérieur des pavillons d’hébergement étaient rouge-violet pour le soubassement, et ocre clair pour les parties supérieures. Ils étaient de trois catégories : des pavillons pour les enfants de 3 à 6 ans, des pavillons pour les 6 à 14 ans, et des pavillons pour les 14 ans et plus. Les pavillons pour les plus de 14 ans disposaient de chambres individuelles, les autres, de dortoirs. Le rez présentait un hall d'entrée et un petit vestiaire, une salle à manger, une salle d'étude et de jeux. La cuisine, en 1939, disposait déjà de réfrigérateur afin d'offrir les meilleurs soins aux enfants et d'alléger la tâche de la monitrice, parfois aidée par une servante. Les repas étaient préparés dans les pavillons par les mamy, les denrées alimentaires provenant de l'Economat central ou des potagers.
A l'étage se situait la chambre de la mère, placée entre les deux dortoirs ; des petites baies vitrées permettaient la surveillance les enfants. L'étage comportait également une salle de bain, et une chambre d'isolement pour les enfants malades.
Dans le parc, des emplacements étaient réservés pour les jeux de basket, de croquet,.... Un labyrinthe formé d'ifs fut également créé. Autour des pavillons se situaient des parterres, quelques potagers et des jardins, entretenus en partie par les enfants.
Les orphelins y étaient accueillis dès l'âge de 3 ans. Les enfants au-delà de 14 ans pouvaient continuer d’y séjourner s’ils le souhaitaient : certains y restaient jusque 23-25 ans, c'est-à-dire jusqu'au moment où ils décidèrent de fonder foyer. Ils participaient alors aux frais de fonctionnement de l’institution dès qu'ils percevaient un salaire.
Si la Cité de l’Enfance se situait dans un environnement paisible et peu industrialisé, un transport houiller surplombait cependant le parc, servitude imposée par la proximité du Charbonnage du Cerisier.
L'entrée de la Cité de l'Enfance |
La Cité hébergeait des orphelins, mais elle accueillait également des enfants retirés de leur foyer, envoyés par l'assistance publique ou placés par le Juge. D’autres enfants fréquentaient le site à la demande de familles plus aisées, celles-ci réglant alors les frais. La guerre venant augmenter le nombre d'orphelins, une extension du domaine est réalisée après-guerre, en collaboration avec l’architecte Victor Bourgeois. De nouveaux pavillons sont érigés, portant les possibilités d’hébergement de la Cité à plus de 300 enfants. Au début des années 1950, on y dénombre 280 pensionnaires, et une pouponnière est adjointe afin d'accepter les enfants dès leur naissance.
En 1970, la Cité reçoit l’agrément pour une capacité de 392 lits ; cinq ans plus tard, l’agrément est pour une capacité de 320 lits.
A la fin des années 70, la Cité de l'Enfance connait ses premières mutations importantes. Sa capacité d'accueil est alors réduite afin de diminuer la concentration d'enfants sur un même site, permettant de meilleures conditions d'accueil et d'encadrement. La pouponnière érigée après-guerre met également fin à ses activités.
En 1987, l’agrément ne porte plus que sur une capacité de 160 lits.
Deux années plus tard, la Cité quitte le site qu’elle occupait depuis sa fondation pour se répartir sur 5 sites intégrés dans la communauté urbaine de Charleroi ; la Cité de Marcinelle ne répond plus aux besoins modernes en matière d’accueil et d’aide à la jeunesse. Les bâtiments érigés par Leborgne et Van Hove trouvent alors d’autres affectations. Mis en vente, les pavillons deviennent des habitats familiaux et une maison de repos ouvre ses portes. Malgré de nombreuses modifications, le plan général de la Cité est conservé.
L'un des pavillons de la Cité de l'Enfance |
En 2010-2011, le site est en partie menacé par la destruction de l’un des pavillons d'entrée, et la construction de plusieurs bâtiments. La résidence pour seniors souhaitait également y réaliser une extension. Ces projets ne pourront finalement se réaliser, grâce notamment à la mobilisation des riverains et passionnés du patrimoine. Le 4 avril 2013, la totalité des bâtiments construits dans la première et la seconde phases de construction de la Cité, la pouponnière, ainsi que le tracé et les cheminements du parc sont classés comme Ensemble architectural. Une zone de protection a également été établie autour de la Cité. Le portail et le pavillon d’entrée ont, eux, été classés Monuments. La Cité de l’Enfance demeure aujourd’hui le seul exemple d’orphelinat pavillonnaire conservé en Wallonie.
La Cité de l’Enfance en tant qu’Institution existe toujours aujourd’hui. Elle est une division de l'Intercommunale de Santé Publique du Pays de Charleroi, et a pour objectif d’apporter une aide aux jeunes en difficulté, aux personnes qui éprouvent de graves difficultés dans l’exécution de leurs obligations parentales, aux enfants dont la santé ou la sécurité est en danger ou dont les conditions d’éducation sont compromises. Elle a pour missions l’accueil et l’hébergement de jeunes en difficulté, la mise en autonomie, l’intervention en famille, l’aide éducative, l’accueil d’urgence, et la prévention dans les quartiers.
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