Histoire(s) & patrimoine de Charleroi |
Même s’il ne fut inauguré qu’en 1832, l’idée de relier le bassin de Charleroi à Bruxelles remonte à plusieurs siècles déjà.
Le pont de Roux |
L’aménagement d’une voie d’eau pour desservir les cités hennuyères est évoqué pour la première fois sous le règne de Philippe le Bon, duc de Bourgogne (1396-1467) ; le projet est cependant trop onéreux. Au cours des siècles suivants, Charles Quint (1500-1558) et son fils Philippe II roi d’Espagne (1527-1598) donnent tous deux l’autorisation de réaliser un canal reliant le canal de Willebrouck (1561) à l’actuelle région de Charleroi.
Plusieurs projets vont se succéder à travers les siècles, mais aucun de fut réalisé. Le creusement du canal demandait de mobiliser d’importants moyens financiers ; les dépenses étant prioritairement accordées à la défense du territoire et aux guerres qu’il fallait gagner, le financement des travaux du canal n’était pas prioritaire. Nos régions sont de plus sujettes à de réguliers changements d’autorité. Tantôt espagnole, tantôt française, tantôt autrichienne, de tels travaux n’étaient pas, dans un premier temps, primordiaux pour ce petit morceau de pays parfois fort éloigné de la capitale. La dénivellation entre Charleroi et Bruxelles ajoute une difficulté supplémentaire ; le terrain rencontré pour relier les deux villes est fortement accidenté.
Près de l'ancien Prieuré de Sart-les-Moines à Roux |
Il faut que les siècles se passent, qu’une volonté et un besoin réel apparaissent, et que les moyens financiers suivent pour donner naissance au canal. Napoléon Ier va relancer le projet, maintes fois abandonné. Toutefois, sa défaite à Waterloo va à nouveau retarder l’avancée de sa réalisation.
Nos régions devenues hollandaises, Guillaume Ier d’Orange constate la difficulté qu’à Bruxelles de s’approvisionner en houille ; les habitants et les industries bruxelloises ont un besoin sans cesse croissant de charbon. Or, Charleroi en produit et les techniques d’extraction s’améliorent. Le bassin de Charleroi a du mal à écouler sa production abondante. Aucune voie à l’époque ne permet de relier Bruxelles et Charleroi relativement rapidement. Le roi décide de concrétiser le projet maintes fois abandonné.
Le canal projeté va relier Bruxelles et Charleroi pour répondre aux besoins spécifiques des deux cités. Il va également servir d’axe de développement aux nombreuses villes plus modestes situées sur son parcours, ainsi qu’aux nouvelles industries qui vont s’installer sur son tracé.
L’ingénieur Jean-Baptiste Vifquain est chargé du projet ; il dépose son rapport en 1823. Il établit les plans d’un canal à moyenne section de 70 tonnes, et dessine des bateaux spécifiques à la circulation sur le canal, étroit, et ne permettant dès lors pas à des bateaux imposants de se croiser. Les « baquets de Charleroi », ou sabots, sont nés. Un canal souterrain d’un peu moins de 1.300 mètres entre Gouy-lez-Piéton et Seneffe est prévu au lieu-dit de « Bête Refaite », le relief étant fortement accidenté à cet endroit, formant la crête de partage des eaux entre les bassins de la Meuse et de l’Escaut. De nombreuses écluses sont construites : 11 entre Charleroi et la vallée de la Sambre à Seneffe et 44 écluses entre Seneffe et Bruxelles.
Le début du canal à Dampremy |
Au lendemain de l’Indépendance de la Belgique, les travaux se poursuivent. En 1832, après quatre années de travaux, dont deux sous le règne hollandais, le canal est inauguré. Le premier baquet quitte Charleroi le 22 septembre et arrive à Bruxelles trois jours plus tard, le 25 septembre 1832. Ce premier trajet marque le début de l'exportation massive de charbon vers Bruxelles, permettant une diminution du prix d'environ 40 % dans la capitale. Les deux villes reliées par voie d’eau, elles vont connaître un développement économique et démographique rapide, en grande partie grâce au canal.
Le canal prend naissance à Dampremy, où il est relié à la Sambre. A partir de Dampremy, il traverse les communes carolorégiennes de Marchienne-au-Pont, Roux et Gosselies. Il continue ensuite vers Luttre, Seneffe, Ronquières, Tubize, Halle, Ruisbroek et Bruxelles, où il rejoint le canal de Willebroek.
De par sa longueur sur le territoire de Charleroi (8 kilomètres), le canal est la seconde voie d’eau qui traverse la ville, après la Sambre (12 kilomètres). Au total, un peu moins de 64 kilomètres de ruisseaux, de rivières et de canaux parcourent la métropole.
Rapidement, Charleroi étant en plein essor industriel, le tonnage du canal s’avère trop peu important pour exporter notamment la production des charbonnages. Quelques années après son inauguration, le canal se révèle être insuffisant pour le transport des marchandises. Les travaux d’élargissement sont entrepris dès 1854, permettant la mise à 300 tonnes ; ces travaux vont s’étaler sur plusieurs décennies...
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, de nouveaux travaux commencent : le canal est porté à 1.350 tonnes de Charleroi à Bruxelles, avec la mise en service en 1968 du Plan incliné de Ronquières. Le tracé du canal est revu sur certaines sections ; les travaux de mise à 1.350 tonnes durent 20 ans ; il est désormais possible de parcourir les 74 km de canal reliant Bruxelles à Charleroi en une journée.
Reliant la Sambre à l’Escaut via le canal de Willebroek au nord et le canal du Centre à l’ouest, le canal Charleroi-Bruxelles s’est vite imposé comme l’un des maillons les plus utilisés du réseau de voies navigables de Belgique, notamment grâce à l’activité des charbonnages de Charleroi, mais également grâce aux nombreuses autres industries qui se sont installées le long de son tracé. Encore aujourd’hui, le canal s’affirme, au niveau européen, dans son rôle premier de voie d’eau pour le transport de marchandises, même il s’est vu adjoindre une fonction nouvelle : le tourisme fluvial.
Le long du canal, les anciens chemins de halages sont toujours présents, incorporés en partie au réseau RAVeL (Réseau Autonome de Voies Lentes). Le canal et ses environs sont synonymes d'économie et d'industrie, mais également de détente, de tourisme, et de loisirs.
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