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Le Palais du Peuple


Le Palais du Peuple. Carte postale ancienne, Edition Brasseur

Au début des années 1920, le carrefour situé au croisement de la rue de la Montagne et du boulevard de l'Yser voit s'élever un Palais du Peuple, phare du socialisme en plein coeur de la cité libérale et bourgeoise qu'est alors Charleroi.

Alfred Lombard, trésorier de la Fédération nationale des mineurs et député de Charleroi, est à l'origine du projet et propose de concrétiser la victoire du centralisme sur le localisme en construisant un vaste bâtiment où siégeraient toutes les organisations ouvrières socialistes de la région1.

Le projet rencontre un intérêt certain et une souscription est lancée par l'Union des Coopérateurs début 1921 dans tout le bassin industriel afin de récolter les fonds nécessaires à l'acquisition du terrain où s'érigera le « Palais du Peuple et du Travail », maison de tous2. Le terrain fait face au Palais du Travail et de l'Industrie (à partir de 1930, « L'Arc-en-Ciel »), grand magasin coopératif qui est déjà la propriété de l'Union des Coopérateurs : il s'agit alors du plus important magasin de nouveautés de la ville3. Le terrain choisit pour le futur Palais du Peuple se situe en plein centre ville et était occupé par les Grands Magasins Raphaël, jusqu'à leur incendie en août 1914 lors de l'arrivée des troupes allemandes dans le centre de Charleroi.

L'architecte Paul Dubail signe les plans du Palais suite à un concours lancé en 1921.

Le Palais du Peuple. Carte postale ancienne, Edition Nels

Le Palais du Peuple est inauguré le 17 mai 1925 en présence de nombreuses personnalités du parti socialiste : Emile Vandervelde, Paul Pastur, Edouard Anseele et Jules Destrée sont notamment présents. Le bâtiment est coiffé d'une coupole, écho à celle du Palais de l'Industrie. Tous les militants socialistes de la région ont été invités à l'événement, provenant de 125 localités avec 450 drapeaux, 20 corps de musique et 2 chorales 4. Des trains spéciaux sont organisés pour rejoindre les lieux 5. Les orateurs mettent l'accent sur le chemin parcouru depuis les premiers temps des luttes ouvrières, où les réunions se tenaient alors dans des arrières boutiques ou des cafés 6. Le même jour est inaugurée au sein du bâtiment la Bibliothèque Jules des Essarts, du nom de l'un des premiers réalisateurs d'oeuvres coopératives de la région et ancien directeur et rédacteur en chef du Journal de Charleroi. Jules des Essarts, au cours de sa carrière, évolua du libéralisme progressiste à la démocratie socialiste, par le biais du rationalisme, entraînant dans son sillage une partie de la bourgeoisie carolorégienne.

Le bâtiment abrite les bureaux de fédérations ouvrières, mais également une salle de spectacle, un café et des magasins 7. Il devient le siège de la Fédération Socialiste de Charleroi. Le journal français « Le Peuple : organe quotidien du syndicalisme », dans son édition du 25 mai 1925, donne une description de l'édifice :

« Au centre même de la ville, son style, ses dimensions, sa décoration, en font un des plus beaux édifices de l'endroit. Au-dessus de la traditionnelle brasserie du rez-de-chaussée, l'entresol abrite un restaurant dont le confortable et l'élégance n'ont rien à envier à un de nos restaurants des boulevards. Pour six francs d'ailleurs on peut y prendre un excellent repas. Les autres étages sont occupés par les bureaux des syndicats, par une bibliothèque, par des salles de réunion de différentes dimensions et fort agréablement ornées d'une belle décoration murale et des magnifiques gravures qu'édite si heureusement cette « Commission des Loisirs du Hainaut », qui mériterait à elle seule une étude particulière.

Au centre de l'édifice, une salle de conférences entièrement garnie de fauteuils, et une salle de théâtre, dont le confortable confondrait d'étonnement la plupart de nos militants, complètent l'aménagement de ce remarquable édifice, dont l'escalier spacieux et clair s'enroule autour d'un luxueux ascenseur. Les paliers et couloirs eux-mêmes sont ornés de magnifiques toiles représentant des scènes du travail ou des types de travailleurs du Hainaut. »

Le Palais du Peuple. Carte postale ancienne, Edition De Mario

Le 3 octobre 1925 s'ouvre la salle de spectacle du Palais : « L'Eldorado » 8. L'accès s'effectue par le boulevard de l'Yser et voisine la salle de Cinéma-Théâtre-Music-Hall9 « L'Eden », ouverte depuis le 21 décembre 1923 10. La salle de « L'Eldorado » comporte 1.200 places assises. En 1929, son directeur, Julien Papart, fait équiper les lieux pour en faire le premier cinéma « sonore et parlant » de province 11.

Durant la Seconde Guerre mondiale, le site est transformé en Soldatenheim, « foyer du soldat », établissement réservé à la détente des hommes de troupes de la Wehrmacht.

En 1957 est inaugurée une statue monumentale de Jules Destrée face au Palais du Peuple que fréquentait l'avocat, et à proximité de l'ancien Palais de Justice, où il exerça notamment son métier.

Les Golden Sixties entraîne une importante élévation du niveau de vie, la classe moyenne est plus nombreuse et et la classe ouvrière perd son homogénéité. Les grandes surfaces vendent désormais moins cher que les coopératives. L'Union des Coopérateurs doit faire face à une longue série de difficultés financières et met en vente les Maisons du Peuple dont elle est propriétaire, ainsi que le magasin de l'« Arc-en-Ciel » 12. L'Union finit par faire faillite en 1974 ; le Palais du Peuple est vendu à un groupe financier bruxellois. Démoli en 1980, un bâtiment dessiné par Paul Hayot le remplace, afin d'abriter la Caisse générale d'épargne et de retraite.

 

NOTES :

(1) - POTY, Francis. Histoire de la démocratie et du mouvement ouvrier au pays de Charleroi : Tome II, p. 111

(2) - POTY, Francis. Histoire de la démocratie et du mouvement ouvrier au pays de Charleroi : Tome II, p. 111

(3) - POTY, Francis. Histoire de la démocratie et du mouvement ouvrier au pays de Charleroi : Tome II, p. 118

(4) - POTY, Francis. Histoire de la démocratie et du mouvement ouvrier au pays de Charleroi : Tome II, p. 133

(5) - Journal de Charleroi (Le), 16/05/1925

(6) - POTY, Francis. Histoire de la démocratie et du mouvement ouvrier au pays de Charleroi : Tome II, p. 138

(7) - CULOT, Maurice ; PIRLET, Lola. Charleroi : D'Arthur Rimbaud à Jean Nouvel : 150 ans d'imaginaire urbain, p. 171

(8) - Journal de Charleroi (Le), 27/09/1925

(9) - Gazette de Charleroi (Le), 09/12/1923

(10) - Gazette de Charleroi (Le), 21/12/1923

(11) - Journal de Charleroi (Le), 03/11/1929 et (Mémoires ouvrières : Charleroi, p. 100)

(12) - POTY, Francis ; DELAET, Jean-Louis. Histoire des Fédérations : Charleroi, p. 181



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